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JF partagerait appartement

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Valérie

Elle ne veut plus de cette vie-là, de ce spleen. Elle ne veut plus se sentir petite et insignifiante.

Elle veut briller, elle veut exister, elle veut être aimée, elle en a désespérément besoin.

Valérie ne veut plus rester seule. Elle est déterminée.

Elle pourrait quitter son travail, sans que personne s’en rende seulement compte. Elle pourrait déménager et chercher une colocation, mais elle a à sa portée la plus belle fenêtre sur le monde : internet.

Jusqu’à présent, elle ne s’était jamais trop préoccupée des réseaux sociaux, elle les trouvait au mieux ridicules, au pire dangereux. Mais, rapidement, ses barrières tombent : elle les investit un par un. Elle passe ses nuits à surfer, lire des blogs, commenter des statuts. Elle n’est plus Valérie, trop commun, elle est Nadia. Elle se présente comme une entrepreneuse, consultante en changement de vie (son rêve !). Elle est d’une prudence extrême, prenant le temps d’observer, d’analyser, de repérer les petites faiblesses de tous ses contacts, de ses « amis »…

Elle se construit une vie remplie de clients et de prestations. Elle fait sienne les citations les plus inspirantes. Elle finit par y croire tellement, qu’elle devient crédible. Peu à peu, une communauté de followers se construit autour de son double virtuel.

Mais elle est frustrée car elle sait bien que tout ça ne repose sur rien. Que ce n’est pas de l’amour mais une forme d’envie. Elle veut être aimée, adorée, vénérée…

Valérie est jalouse. Depuis quelques semaines, elle a fait une rencontre virtuelle qui l’a bouleversée. Une bloggueuse qui représente tous ses rêves : la notoriété, la clientèle, l’admiration qu’on lui porte. Invitée partout mais sachant garder son mystère. Totalement authentique et attirant naturellement à elle des personnes tout aussi inspirantes.

Alors, elle commence par l’observer, décortiquer les moindres de ses actions ou de ses silences. Elle sait qu’elle doit à tout prix éviter l’agression. Elle se rapproche de celles et ceux qui la suivent déjà, elle analyse les échanges. Elle passe tant d’heures à lire qu’elle en oublie même de manger. Elle est obsédée par son diamant, qui devient le centre de sa vie.

Elle prend le temps, elle se rapproche. Elle est prête.

Éléonore

Elle est si contente de l’avoir rencontrée. Au tout début, furtivement, elle a eu comme un mouvement de recul, une fugace impression de flou, de faux. Mais elle l’a rapidement chassée, elle n’en a pas été déçue. Elle qui sortait de quelques mois plus que difficiles sur le plan personnel rêvait de légèreté, de simplicité. Elle ne supporte plus toutes celles et ceux qui la poursuivent de leurs compliments, de ce faux amour qu’apporte la médiatisation…

Avec Nadia, elle a enfin une oreille attentive, elle peut se confier sans craindre de voir ses secrets étalés sur les réseaux. Spontanément, elle lui propose de l’aide, mais son amie refuse poliment, ce qu’elle apprécie d’autant plus.

Chaque jour, Nadia est là, discrète.

Les semaines passent. Eléonore continue son chemin vers la réussite, sa réussite. Pourtant, elle est contrariée. Petit à petit, des voix ont commencé à critiquer la présence de Nadia à ses côtés. « Fais gaffe », « tu ne la connais pas, finalement », « je ne la sens pas… ». Elle est plus qu’agacée, que ses prétendus amis se mêlent de leurs affaires au lieu d’essayer de l’éloigner de son amie !

Et pourtant…

Un matin, Nadia appelle Eléonore : son nouveau blog, qu’elle a construit nuit après nuit, va enfin le jour. Elle lui demande si elle accepte de le mettre en avant, afin de lui assurer un lancement digne de ce nom, elle qui a une si belle et dynamique communauté.

Eléonore est un peu surprise, elle préfère choisir seule les personnes dont elle souhaite parler. Mais elle accepte finalement, après tout, elle lui doit… elle ne sait pas vraiment, mais n’ose refuser ce petit service.

Le jour du lancement arrive. Elle découvre ledit blog en même temps que les autres, Nadia a eu trop de soucis techniques pour pouvoir lui présenter en avant-première. Eléonore a un coup au cœur : ce blog, sans être totalement jumeau du sien, présente de nombreuses et troublantes similarités… Elle ne sait quoi dire, quoi faire. Elle doute, peut-être est-elle simplement parano.

Elle en parle autour d’elle, à demi-mot, à des personnes en qui elle a entièrement confiance.

« Elle t’admire, voilà tout, ne t’inquiète pas ! ».

Nadia

Valérie ou plutôt Nadia, maintenant, est heureuse, si heureuse ! Elle a enfin trouvé sa voie, elle va y arriver, elle le sait. Elle est d’autant plus fière qu’elle ne le doit à personne.

Certes, elle reconnaît que son amitié avec Eléonore a pu accélérer les choses, mais elle a été déçue. Finalement, derrière la brillance se cachait une personnalité plutôt terne. Elle lui fait l’honneur de lui proposer de lancer son nouveau blog et Eléonore accepte du bout des lèvres : quelle ingratitude ! Avec toutes les heures qu’elle a passé à l’écouter patiemment, à lui remonter le moral, à écouter ses plaintes… C’était un minimum quand même.

Elle a reçu tant de félicitations et de mots sympathiques qu’elle se sent sur un petit nuage. Elle ne préfère pas répondre à ceux qui sous-entendent qu’il y a pas mal de similitudes avec le blog d’Eléonore… Des jaloux, voilà tout.

Éléonore

Elle pleure de rage. Comment a-t-elle pu être si naïve ? Après le visuel de son blog, c’est carrément son style, ses thématiques, ses photos que Nadia lui a piqués sans aucun état d’âme. Ne restait à cette dernière qu’à convaincre sa clientèle de changer de crèmerie.

Elle ne sait pas quoi faire : elle ne veut pas l’attaquer frontalement, pour ne pas lui donner trop d’importance. Mais si elle ne dit rien, si elle n’agit pas, elle risque de tout perdre.

Elle décide de faire front et coupe les ponts avec Nadia, sans lui permettre de se justifier ou d’argumenter.

Après la tempête, elle se concentre à nouveau sur ce qui est vraiment important pour elle : l’authenticité. Son blog est plagié ? Elle en profite pour réfléchir à un nouveau projet, une nouvelle façon de communiquer. Elle se réinvente comme elle l’a toujours fait. Et non seulement ses clients lui restent fidèles, mais elle en attire de nouveaux.

Elle a traversé ce cyclone, la tête haute.

Elle va assister à sa chute, brutale et définitive.

Valérie

Elle a perdu la tête. Trop gourmande, trop sûre d’elle, trop arrogante.

Nadia s’est inventé une vie calquée sur celle d’Eléonore, sans jamais l’avoir vécue. Il a suffit d’un doute, une simple question sur Facebook pour que l’imposture se révèle et que son personnage vole en éclats.

Oh, elle a bien essayé de se rattraper mais les réputations se défont beaucoup plus vite qu’elles ne se font sur les réseaux. Un message, puis 2 puis 10 la sommant de se justifier, d’expliquer comment elle avait pu essayer de voler la vie d’une autre sans vergogne.

Elle devient folle, folle de rage. Comment pouvaient-ils penser une minute qu’elle s’était inventé une vie ? C’était Eléonore l’usurpatrice, pas elle !

Elle les détestait tous, bande d’imposteurs. Elle était trop en avance sur son temps, ils ne la méritaient pas.

Elle ferma son blog, ses comptes. En quelques heures, Nadia disparut corps et âme.

Valérie était de retour. Et, avec elle, sa vie si terne, si triste.

Billet écrit dans le cadre du Festival « A la croisée des blogs », organisé par le site Développement personnel. Le thème proposé par Théo Duverger du blog « Acteur de sa vie » était : « La relation à l’autre : besoin ou envie ? ». Je vous invite à retrouver l’article de présentation de Théo sur son blog.

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10 commentaires
  • Djeffa de Saâkti
    16 février 2015

    Magistral
    J’ai reconn quelqu’un qui sévit encore …

  • Morgane
    17 février 2015

    Merci. Oui, je crois qu’on en connaît tous. So sad (pour eux en fait)

  • beatrice
    18 février 2015

    Jolies découvertes tous ces billets doux (mais pas tant)… Merci Morgane !

  • Morgane
    18 février 2015

    My pleasure, Béatrice. Pas tant, effectivement, comme la vie, quoi…

  • Daniel
    23 février 2015

    Sans doute ai-je tort de ne pas commenter plus de billets de qualité parus chez Mo’ mais celui-ci me parle plus que d’autres.
    En effet, j’ai été « victime » de plagiat et il m’est arrivé aussi d’être accusé de plagier (tant qu’à faire).
    Il existe des moyens de se défendre que j’avais expliqué dans un article paru en mai dernier sur mon blog.
    Dans le cas de Valérie/Nadia, il y a clairement un trouble psychologique qu’elle devra traiter.

    • Morgane
      23 février 2015

      Daniel, n’hésite pas à mettre le lien de ton article, il pourra aider mes lecteurs 🙂 Quant à commenter, c’est quand tu veux, mais surtout ne pas se forcer 😉 !
      Valérie/Nadia, on est bien d’accord…

    • DSIGNED
      12 juillet 2015

      Un peu romanesque… mais ce genre de « barge » doit effectivement exister… Flippant… Je préfère rester dans mon monde de bisounours !

      • Morgane
        14 juillet 2015

        Basé sur des faits bien trop réels et même, figure-toi, édulcorés…

  • Ophélie
    11 mars 2015

    Bonjour,
    Hoooooo :-), j’adore…. blogging et crêpage de chignons… envie de plagier votre style d’écriture, 😉 ça prend au tripe c’est authentique… je m’en inspire juste ce qu’il faut et je vais continuer à être moi….
    🙂

    • Morgane
      11 mars 2015

      hi hi, merci ! 🙂